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RÉSURRECTION

— Pour tout le monde, j’imagine ? — répondit Nekhludov.

— Non, pas pour tout le monde ! Pour les véritables révolutionnaires, plusieurs me l’ont dit, c’est au contraire un repos, une sécurité. Les malheureux vivent dans l’angoisse, dans la privation, dans la crainte, craignant à la fois et pour eux, et pour les autres, et pour l’œuvre. Et puis, un beau jour, on les prend, et tout est fini, toute responsabilité cesse, ils n’ont plus qu’à rester étendus et à se reposer. J’en connais qui, en se voyant pris, ont éprouvé une joie réelle. Mais pour les jeunes, comme Lydotchka, surtout pour les innocents, le premier choc est terrible. La suite, en comparaison, n’est rien. La privation de la liberté, les mauvais traitements, le manque d’air et de nourriture, tout cela n’aurait aucune importance et se supporterait facilement s’il n’y avait pas ce choc moral qu’on ressent quand on se trouve emprisonné pour la première fois.

La mère de Lydie, revenant près de Nekhludov, lui annonça que sa fille était souffrante et avait dû se mettre au lit.

— Sans motif aucun, ils ont perdu cette jeune vie ! — dit la tante. — Et je souffre plus encore à la pensée que, malgré moi, j’ai été la cause de cet affreux malheur.

— Mais non, rien n’est perdu ! l’air de la campagne la remettra.

— Sans vous, en tout cas, elle aurait certainement péri ! — reprit la tante en se tournant vers Nekhludov, — Mais, au fait, j’oublie de vous dire une des raisons pour lesquelles je désirais vous voir. C’était pour vous prier de remettre cette lettre à Vera Efremovna ! L’enveloppe n’est pas fermée, vous pourrez lire la lettre, et la déchirer si vos opinions ne vous permettent pas d’en approuver le contenu. Mais je n’y ai rien écrit de compromettant.

Nekhludov prit la lettre, et, ayant dit adieu aux deux dames, il sortit. Dans la rue, avant de serrer la lettre dans son portefeuille, il cacheta l’enveloppe, bien résolu à faire la commission dont l’avait chargé la tante de Lydie Choustova.