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CHAPITRE IV


I


Le lendemain matin, Nekhludov achevait à peine de s’habiller, quand le valet de chambre lui apporta la carte de l’avocat Faïnitzine. Celui-ci s’était mis en route aussitôt après avoir reçu son télégramme. Il demanda à Nekhludov le nom des sénateurs devant lesquels l’affaire serait portée.

— On dirait vraiment qu’on les a choisis exprès pour représenter les types différents du sénateur ! — s’écria-t-il. — Wolff, c’est le fonctionnaire pétersbourgeois ; Skovorodnikov, c’est le juriste savant ; et Bé, c’est le juriste pratique. C’est sur lui que nous pouvons le plus compter. Eh ! bien, et à la commission des grâces ?

— Je vais précisément, de ce pas, chez le baron Verobiev. Hier, je n’ai pas pu réussir à être reçu.

— Savez-vous pourquoi ce Vorobiev est baron ? — demanda l’avocat, en réponse à l’intonation ironique avec laquelle Nekhludov avait prononcé ce titre étranger de « baron », accouplé à un nom de famille aussi foncièrement russe. — C’est l’empereur Paul qui a donné ce titre à son grand-père, qui le servait comme valet de chambre. Ce valet lui ayant rendu quelques petits services d’ordre intime, l’empereur l’a nommé baron, faute d’oser lui donner un titre russe, ce qui aurait risqué de faire crier. Et depuis lors nous avons des barons Vorobiev ! Et il faut voir comme le gaillard est fier de son titre ! D’ailleurs un aigrefin sans pareil. J’ai une voiture à la porte : voulez-vous que je vous conduise ?

Sur le perron, le portier remit à Nekhludov un billet