Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/329

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE III


I


Outre le pourvoi en cassation de la Maslova, qui était l’objet principal de son voyage à Saint-Pétersbourg, Nekhludov avait encore à s’y occuper de trois autres affaires, dont deux lui avaient été signalées par Vera Bogodouchovska. Il devait tenter de faire admettre par la commission des grâces le recours en grâce de Fédosia, la jeune prisonnière condamnée pour avoir voulu tuer son mari, et à qui son mari avait pardonné ; au directeur de la gendarmerie, il devait demander la mise en liberté de l’étudiante Choustova ; et il voulait obtenir aussi la permission, pour la mère d’un détenu politique, de voir son fils, gardé au secret.

Depuis sa dernière visite à Maslinnikov et son séjour à la campagne, il se sentait pénétré d’une répugnance profonde pour la société dont il avait fait partie jusqu’alors : il ne pouvait s’empêcher de penser que, pour le bien-être et le divertissement de cette société, des millions d’êtres humains souffraient, et que leur souffrance passait inaperçue aux yeux de cette société qui, du même coup, évitait de se rendre compte de tout ce qu’il y avait, dans sa propre vie, de misérable et de criminel. Mais c’est parmi cette société qu’il avait ses habitudes ; parmi elle se trouvaient ses parents et ses amis ; et puis surtout il songeait que, pour venir en aide à la Maslova et aux autres malheureux dont il avait entrepris de défendre la cause, force lui était de demander l’appui et les services de personnes de cette