ridor était plein de monde. Il y avait là des enfants, des jeunes filles, des femmes avec des nouveau-nés sur leur sein ; et toute cette foule, se pressant devant la porte, considérait le singulier barine qui venait s’informer de la nourriture des moujiks. De là venait, sans doute, le sourire malin de la vieille femme, évidemment très fière de la façon dont elle savait se comporter avec un barine.
— Oui, une bien triste vie que la nôtre, on peut le dire ! — reprit le vieux. — Hé ! dites donc, qu’est-ce que vous voulez ici ? — s’écria-t-il, se tournant vers les curieux qui faisaient mine d’entrer.
— Et maintenant, adieu, je vous remercie ! — dit Nekhludov éprouvant un mélange de malaise et de honte dont il préférait ne pas approfondir la cause.
— Merci humblement d’être venu nous voir ! — dit le vieux.
Dans le corridor, la foule, s’écartant vivement devant Nekhludov, le laissa passer, bouchées béantes. Mais dans la rue, tandis qu’il se préparait à poursuivre sa promenade, il aperçut deux petits garçons nu pieds qui marchaient derrière lui. L’un, l’aîné, portait une chemise sale, mais qu’on devinait avoir été blanche ; l’autre avait une chemise rose toute rapiécée. Nekhludov se retourna vers eux.
— Et maintenant où vas-tu ? — lui demanda le petit à la chemise blanche.
— Je vais chez Matrena Charina ! — répondit Nekhludov. — La connaissez-vous ?
Le plus petit des deux garçons se mit à rire. L’autre répondit très sérieusement :
— Quelle Matrena ? Elle est vieille ?
— Oui, une vieille !
— Alors, ça sera, bien sûr, la Séménicha ! C’est à l’autre bout du village ! Nous allons t’y conduire. N’est-ce pas, Fédka, que nous allons le conduire ?
— Et les chevaux ?
— Bah ! ça ne fait rien !
Fédka en convint ; et tous trois ils montèrent la longue rue du village.