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CHAPITRE XVII


I


Le lendemain matin, Nekhludov se rendit chez l’avocat Faïnitzin, lui exposa la situation de Menchov et le pria de vouloir bien prendre l’affaire en main. L’avocat lui répondit qu’il allait examiner le dossier et que, si les choses s’étaient vraiment passées de la façon que disait Menchov, non seulement il consentirait sans doute à prendre l’affaire en main, mais s’en chargerait encore gratuitement, trop heureux d’une aussi belle occasion d’ennuyer la magistrature.

Nekhludov lui parla ensuite des cent trente malheureux carriers qu’on retenait en prison pour une erreur de passeport. Il voulait savoir de qui la chose dépendait, à qui en revenait la responsabilité. Faïnitzin réfléchit un instant, visiblement en peine de trouver une réponse précise.

— À qui revient la responsabilité ? — dit-il enfin. — À personne. Adressez-vous au procureur : il mettra tout sur le compte du gouverneur. Interrogez le gouverneur, il vous affirmera que c’est le procureur qui est seul responsable. Au total, personne ne sera en faute !

— J’irai aujourd’hui même chez Maslinnikov, pour le mettre au courant.

— Bah ! vous perdrez votre temps ! C’est, — mais, pardon ! il n’est ni votre parent ni votre ami, n’est-ce pas ? — c’est — passez-moi le mot — un tel crétin, et avec cela une telle canaille !…

Nekhludov se rappela en quels termes Maslinnikov lui avait parlé de l’avocat. Il ne répondit rien, et prit congé.