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RÉSURRECTION

— Je vous le dis pour la dernière fois ! — fit-il après un instant.

Il se levait, se rasseyait, tirait une bouffée de sa cigarette, la laissait s’éteindre, la rallumait de nouveau.

On sentait que, si invétérés que fussent en lui les arguments spécieux qui permettent à un homme de faire souffrir d’autres hommes sans se croire responsable de cette souffrance, le directeur ne pouvait cependant s’empêcher d’avoir conscience qu’il était un des auteurs de l’épouvantable angoisse qui se trouvait répandue dans cette salle. Et l’on sentait que, lui aussi, il souffrait, et qu’un poids douloureux pesait sur son cœur.

Enfin prisonniers et visiteurs commencèrent à se séparer : les uns se dirigeant vers la porte de derrière, les autres vers la grande porte qui donnait sur la pièce voisine. Par la porte de derrière, Nekhludov vit sortir le phtisique, et la fille du vieillard aux lunettes bleues, et la jolie Marie Pavlovna, tenant par la main l’enfant qui était né en prison. Puis ce fut le tour des visiteurs : et Nekhludov sortit avec eux.

— Oui, ce sont là des séances bien extraordinaires ! — lui dit dans l’escalier le jeune homme en jaquette, qui, évidemment, aimait à causer. Heureusement encore que le « capitaine » est un brave homme, et qui ne s’en tient pas au règlement des prisons ! Ailleurs, c’est un vrai martyre ! Tout le monde le dit.

— Est-ce que, dans les autres prisons, ces visites ne se font pas de la même façon ?

— Bah ! rien de pareil ! Tout au plus si on peut voir les détenus politiques à travers deux grillages, comme les forçats de droit commun !

Au bas de l’escalier, Nekhludov se vit séparé de son compagnon par le directeur qui, l’ayant rejoint, le prit à part pour lui dire, de sa voix fatiguée :

— Ainsi, prince, vous pourrez voir la Maslova demain, si vous voulez !

On devinait qu’il avait particulièrement à cœur d’être aimable pour Nekhludov.