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RÉSURRECTION

Mais quelle idée de t’adresser à ce Faïnitzin ! Je ne le connais pas personnellement ; nos situations sociales, à lui et à moi, ne sont pas faites pour nous mettre en rapport ; mais je sais de source sûre que c’est un sot. Sans compter qu’il se permet de dire, en plein tribunal, des choses…

— Je te remercie infiniment de ton obligeance ! — fit Nekhludov en prenant la feuille que venait d’écrire le vice-gouverneur.

Et il se leva pour sortir.

— Et maintenant, allons chez ma femme !

— Hélas ! Excuse-moi près d’elle, impossible aujourd’hui !

— Elle ne me pardonnerait pas de t’avoir laissé partir ! — répondit Maslinnikov, en reconduisant son ancien camarade jusqu’aux marches de l’escalier, honneur qu’il faisait non pas en vérité à ses visiteurs de première importance (car, pour ceux-là, il descendait jusqu’au bas des marches), mais à ceux qui venaient, au point de vue de l’importance, immédiatement après les premiers. — Allons, un bon mouvement ! Rien que pour une minute !

Mais Nekhludov resta inflexible. Et quand Maslinnikov le vit parvenu au bas de l’escalier, où deux valets s’empressaient autour de lui, lui présentant son manteau et sa canne, il lui cria, familièrement :

— Hé ! bien, alors, viens sans faute jeudi ! C’est le jour de ma femme ; je lui annoncerai ta visite !

Et il rentra dans son cabinet.