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RÉSURRECTION

Un rire approbateur accueillit cette plaisanterie. Les visiteurs étaient en grande partie de pauvres gens, maigrement vêtus, et quelques-uns tout à fait déguenillés ; mais il y en avait aussi quelques-uns, des hommes et des femmes, d’une mise plus élégante. Près de Nekhludov se tenait un homme en redingote, soigneusement rasé, gras et rose, portant dans la main un lourd paquet qui paraissait contenir du linge. Nekhludov lui demanda si c’était la première fois qu’il venait à la prison. Non, l’homme au paquet y était déjà venu bien souvent, il y venait chaque dimanche. Il raconta à Nekhludov toute son histoire. Il était portier dans une banque, et le prisonnier qu’il venait voir était son frère, condamné pour faux.

Au moment où le brave portier, ayant tout dit sur lui-même, s’apprêtait à interroger Nekhludov, leur attention fut attirée par l’arrivée d’une calèche de louage, d’où sortirent un jeune étudiant et une dame en robe claire. L’étudiant tenait en main un gros paquet. Il s’avança vers Nekhludov et lui demanda s’il croyait qu’on lui permettrait de donner aux prisonniers une ration de pain blanc, que contenait son paquet.

— C’est ma fiancée qui a eu cette idée. Cette jeune femme est ma fiancée. Ses parents nous ont autorisés à apporter cela aux prisonniers.

— C’est la première fois que je viens ici moi-même, et j’ignore les usages de l’endroit, mais je crois que vous feriez bien de vous adresser là ! — répondit Nekhludov en désignant du doigt le gardien galonné, assis devant son registre.

Soudain la porte de fer de la prison s’ouvrit, et l’on en vit sortir un officier en grand uniforme, accompagné d’un gardien qui, après avoir échangé tout bas quelques mots avec son chef, déclara que les visiteurs étaient admis à entrer.

Le factionnaire se rangea sur le côté, et tout le monde se pressa vers la porte de la prison, comme si l’on craignait d’arriver en retard.

Derrière la porte se tenait un gardien qui, à mesure