emballer tous les meubles inutiles. Quand ma sœur viendra, elle verra ce qu’il convient d’en faire.
Agrippine Petrovna secoua la tête.
— Comment ? Ce qu’il convient d’en faire ? Mais vous aurez besoin de tout cela plus tard ! — dit-elle.
— Non, je n’en aurai pas besoin, Agrippine Petrovna, en vérité, je n’en aurai pas besoin ! — fit Nekhludov, répondant à l’intention qu’il devinait sous les paroles et le ton de la gouvernante. — Et puis, s’il vous plaît, ayez la bonté de dire à Korneï que je lui paierai deux mois d’avance, et que dès aujourd’hui il peut chercher à se placer ailleurs.
— Vous avez tort d’agir ainsi, Dimitri Ivanovitch ! Même si vous avez l’intention d’aller à l’étranger, il vous faudra toujours un local pour mettre vos meubles.
— Ce n’est pas cela que vous pensez, Agrippine Petrovna ! — répliqua Nekhludov avec un sourire. — Mais d’ailleurs je ne vais pas à l’étranger, ou, si je vais quelque part, c’est pour un tout autre voyage que celui que vous pourriez supposer !
À ces mots une rougeur subite envahit ses joues. « Allons, il faut tout lui dire ! — songea-t-il ; — je n’ai ici aucune raison pour me taire, et c’est tout de suite que je dois commencer à dire la vérité ! »
— J’ai eu hier une aventure très étrange et très grave, — reprit-il. — Vous souvenez-vous de Katucha, qui servait chez ma tante Marie Ivanovna ?
— Parfaitement ! c’est moi qui lui ai appris à coudre.
— Eh bien, voilà ! On l’a condamnée hier en cour d’assises, où j’étais juré.
— Ah ! Seigneur, quelle pitié ! — dit Agrippine Petrovna. — Et pour quel crime l’a-t-on condamnée ?
— Pour meurtre !… Et c’est moi qui ai tout fait !
— Voilà, en effet, qui est bien étrange. Comment est-ce possible que vous ayez tout fait ?
— Oui, c’est moi qui suis cause de tout ! Et cet événement a bouleversé tous mes plans.
— Que dites-vous là ?