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étude. Mais il est évident que, s’il l’avaît compris, l’exemple de mes enfants aurait agi plus fortement sur lui. Il aurait compris alors que mes enfants, élevés ainsi à ne rien faire pour le moment, seraient, plus tard, en état de travailler le moins possible, grâce à leurs diplômes, et de jouir des biens de la vie, dans la plus large mesure. Ayant compris cela, il n’alla pas chez le moujik garder les moutons et les bestiaux, manger des pommes de terre et boire du kwass, mais il préféra promener au jardin zoologique, en costume de sauvage, un éléphant, pour 30 kopecks.

J’aurais du comprendre à quel point était inepte ma prétention de corriger les pauvres et les enfants qui périssaient d’oisiveté dans la maison de Rjanof, que je viens d’appeler un repaire et où, cependant, les trois quarts des gens travaillent, soit pour eux, soit pour les autres, tandis que moi-même j’élevais mes enfants dans le luxe et dans l’oisiveté. Mais je ne me rendais pas compte de mon ineptie.

Dans cette maison de Rjanof, il y avait quantité d’enfants dans l’état le plus déplorable ; c’étaient des enfants de prostituées, des orphelins, des enfants que les mendiants font promener dans