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blanchisseuses près des auges, les menuisiers à l’établi, les cordonniers sur leur chaise. Les logements étroits étaient pleins de monde et le travail marchait gaiement et vaillamment. On sentait une odeur de sueur ; une odeur de cuir chez le cordonnier, de copeau, chez le menuisier. Souvent l’on entendait une chanson et l’on voyait des bras musculeux, les manches retroussées, accomplir avec promptitude et agilité les mouvements habituels.

Partout on nous recevait d’une façon gaie et affable : notre incursion dans la vie ordinaire de ces gens n’excitait généralement pas leur ambition ni le désir de montrer leur importance et d’étonner, comme cela avait lieu à l’apparition des recenseurs dans les logements des gens aisés. Au contraire, à toutes nos questions on répondait comme il fallait, sans y attacher trop d’importance. Nos questions leur servaient uniquement de prétexte pour s’égayer et plaisanter : ils faisaient remarquer par exemple que les uns, les gros, devaient être comptés pour deux, que deux autres ne pouvaient être inscrits que pour un, etc.

Nous surprîmes à dîner et à prendre du thé plusieurs d’entre eux et chaque fois que nous