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de-vie que de nourriture et ce qu’on lui eût donné aurait été dépensé au cabaret. Ainsi, il n’y avait personne dans ce logement à qui je pusse donner de l’argent pour lui venir en aide. Aussi ces pauvres me paraissaient-ils douteux. Je pris en note le nom de la vieille, de la femme avec ses enfants et du moujik. Je résolus de ne m’occuper d’eux qu’après les vrais nécessiteux que je pensais rencontrer dans cette maison. Je croyais que, pour distribuer des secours, il était nécessaire de suivre une méthode : commencer par les plus malheureux et continuer par ceux de ce genre. Mais, dans tous les autres logements, le même fait se présenta ; je rencontrai toujours des gens qu’il fallait scruter plus à fond avant de les secourir. De misérables qu’on pût rendre heureux avec de l’argent — il n’y en avait pas. J’ai honte de le dire, mais je commençais à être désappointé de ne trouver dans ces maisons rien de semblable à ce que j’attendais. J’espérais trouver ici des gens peu ordinaires ; mais, en visitant tous les logements, je m’assurai que les habitants de ces maisons n’avaient en réalité rien de particulier, et qu’ils ressemblaient à ceux au milieu desquels je vivais.

Ainsi que parmi nous, il y avait là des gens