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Ayant reçu les ordres du Conseil municipal, j’allai seul, quelques jours avant le recensement, faire le tour de mon arrondissement. À l’aide du plan qu’on m’avait donné, je trouvai bientôt la forteresse de Rjanof.

J’entrai par la ruelle Nikolskï. Elle se termine par une maison sombre, à gauche, sans porte sur la rue ; à l’aspect de cette maison, je devinai que c’était la forteresse de Rjanof.

En descendant la rue Nikolskï, je rencontrai des garçons de 10 à 14 ans, vêtus de kaftans et de paletots, qui glissaient, les uns sur deux pieds, les autres sur un seul patin, et descendaient la pente en suivant l’écoulement des eaux, le long du trottoir qui longe cette maison. Ces enfants étaient en guenilles et, comme les gamins des villes, ils étaient agiles et hardis. Je m’arrêtai à les regarder. Une vieille aux joues pendantes, au teint jaune, tourna le coin de la rue. Elle montait vers le marché de Smolenskï, soufflant bruyamment à chaque pas comme un cheval poussif.

Après m’avoir rencontré, elle s’arrêta pour se reposer. En tout autre endroit, cette vieille m’aurait demandé de l’argent, mais ici elle commença à me parler. « Tiens, dit-elle, en mon-