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ces bienfaiteurs des grades, des médailles et d’autres honneurs. Pour avoir quelque succès sous le rapport pécuniaire, il fallait obtenir des autorités de nouveaux honneurs ; c’était le seul moyen de recueillir de l’argent, mais cela était très difficile.

De retour chez moi, ce soir-là, je me couchai avec le pressentiment de ne pouvoir donner suite à mon idée ; de plus, j’étais confus et convaincu intérieurement que, toute la journée, j’avais fait quelque chose de méchant et de honteux. Toutefois, je ne renonçai pas à l’entreprise. D’abord l’affaire était en train et une fausse honte m’empêchait de l’abandonner ; et puis le succès, ou même le seul fait de poursuivre mon but, me permettait de vivre dans les conditions actuelles de mon existence ; au lieu que l’insuccès m’obligerait à quitter ma façon de vivre et à en chercher une autre. Et inconsciemment je craignais cela. Je n’ajoutai pas foi à cette voix intérieure et continuai ce que j’avais entrepris.

Après avoir livré mon article à l’impression, j’en lus l’épreuve au Conseil municipal. En le lisant j’étais si confus que je rougissais et bégayait. Mes auditeurs étaient aussi remplis de