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à une représentation de Sarah Bernhardt, on paye de suite pour ne pas manquer l’affaire. Ici, au contraire, de tous ceux qui consentaient à ouvrir leur bourse et exprimaient leur sympathie, aucun ne m’offrait de verser la somme à l’instant. On se bornait à accepter silencieusement le chiffre que je fixais.

Dans la maison que je visitai en dernier lieu ce soir-là, je trouvai une nombreuse compagnie. La maîtresse s’occupait de bienfaisance depuis plusieurs années. Des voitures stationnaient devant le perron et des valets en tenue de gala se tenaient dans l’antichambre. Dans le grand salon, autour de deux tables et des lampes, des dames et des demoiselles, vêtues avec recherche, étaient assises et habillaient de petites poupées ; quelques jeunes gens tenaient compagnie à ces dames. Les poupées devaient être mises en loterie au profit des pauvres.

L’aspect de ce salon et des personnes qui y étaient rassemblées produisit sur moi une impression pénible. Sans parler de la fortune de tous ces gens que l’on aurait pu évaluer à plusieurs millions, sans parler des intérêts seuls du capital, dépensé ici en robes, en dentelles, en bronzes, en voitures, en chevaux, en livrées et