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Mais pourquoi arrêtait-on les uns et les enfermait-on dans certaines retraites, et laissait-on les autres en liberté ? C’est ce que je ne pouvais comprendre. Ou, parmi ces mendiants, les uns seraient-ils légaux, les autres illégaux ? Ou, étaient-ils si nombreux que l’on ne pouvait les saisir tous ? Ou bien, en arrivait-il de nouveaux, à mesure qu’on les arrêtait ?

Il y a à Moscou une quantité de mendiants de tout genre : les uns vivent de mendicité ; d’autres sont des besoigneux véritables, venus à Moscou pour une raison quelconque et réellement dans la misère.

Parmi ces derniers on voit de simples paysans et paysannes dans leur costume de village. J’en ai souvent rencontré quelques-uns, tombés malades ici, qui ne pouvaient, à leur sortie de l’hôpital, se nourrir, ni quitter Moscou, faute d’argent. D’autres, en outre, s’adonnaient à la boisson (l’hydropique était probablement de ce nombre). D’autres n’étaient pas malades, mais ruinés par un incendie ou cassés par la vieillesse ; c’était aussi des femmes chargées d’enfants. Mais il y avait, dans le nombre, des moujiks bien portants et capables de travailler. Ces derniers m’intéressaient tout particulièrement.