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des objets inutiles n’était nullement d’accord avec la bonté, et qu’il y avait même des vérités malfaisantes, c’est-à-dire mauvaises. Avec la beauté, d’autre part, la vérité n’a pas le moindre rapport, et le plus souvent même elle est en contradiction avec elle, car la vérité a pour effet général de produire la déception, et de détruire l’illusion, qui est l’une des conditions principales de la beauté. N’est-il pas stupéfiant que la réunion arbitraire, en un seul tout, de trois notions aussi étrangères l’une à l’autre, ait pu servir de base à la théorie au nom de laquelle une des manifestations les plus basses de l’art a pu passer pour l’art le plus haut : la manifestation de l’art qui a pour seul objet le plaisir, celle contre laquelle tous les éducateurs de l’humanité ont mis les hommes en garde ? Et personne ne proteste contre de telles absurdités ! Les savants écrivent de longs ouvrages incompréhensibles où ils font de la beauté un des termes d’une trinité esthétique ! Ces mots, le Beau, le Vrai, le Bien, sont répétés, avec des majuscules, par les philosophes et les artistes, par les poètes et les critiques, qui tous s’imaginent, en les prononçant, dire quelque chose de solide et de défini, pouvant servir de base à leurs opinions ! Et la vérité est