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temporel. Il y eut bien quelques riches qui, comme François d’Assise, admirent la doctrine du Christ dans toute sa signification et avec toutes ses conséquences, et lui firent le sacrifice de leurs privilèges sociaux. Mais la plupart des hommes des classes supérieures, bien qu’ils eussent perdu toute foi dans la doctrine de l’Église, ne voulurent ni ne purent suivre leur exemple ; et cela parce que l’essence du vrai Christianisme consistait à admettre la fraternité, et par suite l’égalité de tous les hommes, ce qui annulait les privilèges dont ils avaient pris l’habitude de jouir. Et ces hommes des classes supérieures, papes, rois, ducs, et tous les grands de la terre, restèrent ainsi sans religion, ne gardant que les formes extérieures d’une religion dont les enseignements justifiaient les privilèges qui leur étaient chers. Et c’étaient précisément ces hommes qui, ayant le pouvoir et la richesse, payaient les artistes et les dirigeaient. Et, notons bien cela, c’est précisément parmi ces hommes qu’est né un art nouveau, un art qu’on estimait non plus dans la mesure où il exprimait les sentiments religieux de son temps, mais dans la mesure de sa beauté, c’est-à-dire du plaisir qu’il pouvait procurer. Incapables désormais de croire