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exprime la joie du sacrifice du bien-être personnel au profit du bien de la nation, ou celui qui exprime le respect des ancêtres et le désir de les imiter ; et tout art qui exprime des sentiments opposés est tenu pour mauvais. Si le sens de la vie consiste dans l’affranchissement du joug de l’animalité, comme c’est le cas chez les bouddhistes, on tient pour bon l’art qui élève l’âme et abaisse la chair, et pour mauvais celui qui exprime des sentiments tendant à affermir les passions corporelles.

À toute époque, et dans toute société humaine, il y a un sens religieux de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, commun à la société entière ; et c’est ce sens religieux qui décide de la valeur des sentiments exprimés par l’art. Cela était ainsi chez les Juifs, les Grecs, les Romains, les Chinois, les Égyptiens et les Indiens ; et ainsi encore chez les premiers chrétiens.

Le Christianisme des premiers siècles ne reconnaissait comme étant de bon art que les légendes, les vies de saints, les sermons, les prières et les hymnes, tout ce qui exprimait l’amour du Christ, l’admiration de sa vie, le désir de suivre son exemple, le renoncement aux plaisirs du monde, l’humilité, la charité ; et toutes les œuvres d’art expri-