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Si maintenant, comme c’était le cas chez les anciens Juifs, la religion fait consister le sens de la vie dans l’adoration d’un Dieu et dans l’accomplissement de sa volonté, ce sont les sentiments de soumission à la loi divine qui sont réputés bons ; et ce sont aussi ceux qui constituent le bon art, exprimés par les prophéties, les psaumes, les poèmes épiques du genre de la Genèse. Tout ce qui est opposé à cet idéal, par exemple l’expression de sentiments de piété envers des dieux étrangers, ou d’autres sentiments incompatibles avec la loi de Dieu, tout cela est considéré comme de mauvais art. Que si au contraire, comme c’était le cas chez les Grecs, la religion fait consister le sens de la vie dans le bonheur terrestre, dans la force et dans la beauté, on considère alors comme étant le bon art celui qui exprime la joie et l’énergie de la vie, et, comme étant le mauvais art, celui qui exprime des sentiments de mollesse ou de dépression. Si, comme c’était le cas chez les Romains, le sens de la vie consiste dans la collaboration à la grandeur d’une nation ou si, comme c’est le cas chez les Chinois, il consiste dans l’honneur rendu aux ancêtres et la continuation de leur mode de vie, on tient alors pour bon l’art qui