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ramène la fi-i-i-i-ancée ! » Il chantait, et agitait ses bras, qui naturellement étaient nus. Puis la procession commençait ; mais voici que le cornet à piston, dans l’orchestre, manquait une note : sur quoi le chef d’orchestre, frémissant comme s’il eût assisté à une catastrophe, tapait sur son pupître avec son bâton. Tout s’arrêtait de nouveau ; et le chef, se tournant vers ses musiciens, prenait à partie le cornet à piston, lui reprochant sa fausse note, dans des termes que des cochers de fiacre ne voudraient pas employer pour se disputer entre eux. Et de nouveau tout recommençait : les Indiens avec leurs hallebardes se remettaient en mouvement, le chanteur ouvrait la bouche pour chanter : « Je ramène la fi-i-ancée ! » Mais cette fois les couples marchaient trop près l’un de l’autre. Nouveaux coups de bâton sur le pupître, nouvelle reprise de la scène. Les hommes marchaient avec leurs hallebardes, quelques-uns avaient des visages sérieux et tristes, d’autres souriaient et causaient entre eux. Puis les voici qui s’arrêtent en cercle, et se mettent à chanter. Mais voici que de nouveau le bâton frappe le pupître ; et voici que le régisseur, d’une voix désolée et furieuse, accable d’injures les malheureux Indiens.