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fiches, et cette innombrable quantité d’opéras, opérettes, chansons, romances, dont nous sommes entourés ! L’art contemporain n’a, en vérité, qu’un seul objet défini : d’exciter et de répandre, le plus possible, la dépravation.

Telles sont non pas toutes, mais les plus graves conséquences de cette perversion de l’art qui s’est accomplie dans notre société. Et ainsi, ce que nous appelons aujourd’hui l’art non seulement ne contribue pas au progrès de l’humanité, mais a au contraire pour effet, plus que toute autre chose, de détruire la possibilité du bien dans notre vie.

Et ainsi la question qui s’offre fatalement à l’esprit de tout homme qui pense, celle que je me suis posée au début de mon livre, la question de savoir s’il est juste de sacrifier à ce qu’on appelle l’art le travail et la vie de millions d’hommes, cette question reçoit une réponse formelle : non, cela n’est pas juste, et ne devrait pas être. Telle est à la fois la réponse de la saine raison et du sens moral non perverti. Et si la question se posait de savoir ce qui vaut le mieux, pour notre monde chrétien, de perdre tout ce qui s’appelle aujourd’hui l’art, faux ou vrai, ou de perdre tout le bien qui existe au monde, j’estime que l’homme raisonnable