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comprendre quoi que ce soit à cette œuvre énorme et compliquée, sauf pour de courts passages, noyés dans un océan d’incompréhensibilité. Et ainsi, bon gré mal gré, force m’est de conclure que cette œuvre relève de ce qui est pour moi le mauvais art. Par un phénomène curieux, le poème de Schiller, introduit dans la dernière partie de cette symphonie, énonce, sinon clairement, du moins expressément, cette pensée : que le sentiment (Schiller ne parle, à dire vrai, que du sentiment de la joie) unit tous les hommes et fait naître en eux l’amour. Mais outre que ce poème n’est chanté qu’à la fin de la symphonie, la musique de la symphonie entière ne répond nullement à la pensée exprimée par Schiller, car c’est une musique tout à fait particulariste, n’unissant point tous les hommes, mais seulement quelques hommes, qu’elle contribue par là à isoler du reste de l’humanité.


Telle est, à mon avis, la manière dont on doit procéder, pour savoir si une œuvre qui passe pour être une œuvre d’art est vraiment une œuvre d’art, ou en est une simple contrefaçon ; et pour savoir, ensuite, si une œuvre d’art véritable est bonne ou