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de Weber, de Beethoven, et de Chopin[1].

Dans la peinture aussi le même phénomène se produit ; et comme les littérateurs et les musiciens, les peintres suppléent à l’indigence du sentiment par la profusion des accessoires, restreignant ainsi la portée de leurs œuvres. Et cependant le nombre est beaucoup plus grand, en peinture que dans les autres arts, d’œuvres satisfaisant aux conditions de l’universalité, c’est-à-dire exprimant des sentiments accessibles à tous les hommes. Portrait, paysage, peinture de genre, je pourrais nommer

  1. En citant ces titres des œuvres d’art que je tiens pour les meilleures d’à présent, je suis loin de prétendre à porter sur ces œuvres un jugement définitif : car non seulement je n’ai pas l’expérience qu’il faudrait pour pouvoir apprécier toutes les productions artistiques, mais encore j’appartiens moi-même à l’espèce des hommes dont le goût a de bonne heure été dépravé par une mauvaise éducation. Aussi est-il fort possible que, avec mes vieilles habitudes qui me sont devenues naturelles, je me trompe sur plus d’un point, en attribuant une valeur artistique supérieure à des impressions qui me sont familières depuis l’enfance. Mais si j’énumère ainsi certaines œuvres de catégories diverses, c’est simplement pour mieux expliquer ma pensée, et pour mieux faire voir comment je comprends aujourd’hui la perfection en art. Et je dois ajouter en outre que je range dans la catégorie du mauvais art toutes mes propres œuvres artistiques, à l’exception du conte Dieu voit la Vérité, dont j’ai eu l’intention de faire une œuvre d’art religieux, et à l’exception de mon récit Au Caucase, qui me paraît appartenir à la seconde des catégories que je tiens pour valables.