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de l’art. Il a été possible aux Grecs de tirer profit de l’art des Perses, et aux Romains de celui des Grecs, comme aussi aux Juifs de celui des Égyptiens, la base de leurs idéals étant la même. L’idéal des Perses, en effet, était la grandeur et la prospérité des Perses ; celui des Grecs, la grandeur et la prospérité des Grecs. Un seul et même art pouvait ainsi se transporter dans des conditions nouvelles, et convenir à de nouvelles nations. Mais l’idéal chrétien, au contraire, a modifié, renversé tous les autres de telle sorte que, comme il est dit dans l’Évangile, « ce qui était grand devant les hommes est devenu tout petit devant Dieu ». Cet idéal n’a plus consisté dans la puissance, comme celui des Égyptiens, ni dans la richesse, comme celui des Phéniciens, ni dans la beauté, comme celui des Grecs, mais dans l’humilité, la résignation, et l’amour. Le héros, désormais, n’a plus été le riche, mais Lazare le mendiant. Marie l’Égyptienne a paru digne d’être admirée non pas à l’époque de sa beauté, mais à celle de sa pénitence. Ce n’est pas l’accumulation des richesses qu’on a célébrée comme une vertu, mais le renoncement aux richesses. Et l’objet suprême de l’art n’a plus été la glorification du succès, mais la