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Dieu, mais qu’à la place de Dieu ils aient mis ce qui n’est pas Dieu. Le cas est le même pour l’art. Le pire malheur des classes supérieures de notre temps n’est pas qu’elles manquent d’un art religieux, mais bien que, au rang supérieur où ne méritait d’être admis que ce seul art, seul important et digne d’être encouragé, elles ont élevé un art indifférent, ou même le plus souvent funeste, ayant pour objet de divertir quelques hommes, et, par cela même, contraire à ce principe chrétien de l’union universelle qui fait le fond de la conscience religieuse de notre temps.

Sans doute, l’art qui satisferait les aspirations religieuses de notre temps ne saurait avoir rien de commun avec les arts des époques antérieures ; mais cette différence n’empêche pas que l’idéal de l’art religieux de notre temps ne soit parfaitement clair et défini pour tout homme qui réfléchit, et qui ne se détourne pas à dessein de la vérité. Dans les époques antérieures, où la conscience religieuse n’unissait encore qu’un seul groupe d’hommes, — les citoyens juifs, athéniens, ou romains, — les sentiments exprimés par l’art de ces époques découlaient du désir de puissance, de grandeur, de gloire, de ces groupes particuliers, et l’art pouvait