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a toujours été le rôle des religions. Toute l’histoire nous montre que le progrès de l’humanité s’est fait, de tout temps, sous la conduite d’une religion. Et comme le progrès ne s’arrête pas, comme par suite il doit s’accomplir même dans notre temps, c’est donc que notre temps a aussi une religion propre. Et si notre temps, comme tous les autres, a sa religion, c’est sur le fondement de cette religion que doit être évalué notre art ; et celles-là seules des œuvres d’art doivent être estimées et encouragées qui découlent de la religion de notre temps, tandis que toutes les œuvres contraires à cette religion doivent être condamnées, et que tout le reste de l’art doit être traité avec indifférence.


Or, la conscience religieuse de notre temps, d’une façon générale, consiste à reconnaître que notre bonheur, matériel et spirituel, individuel et collectif, actuel et permanent, réside dans la fraternité de tous les hommes, dans notre union pour une vie commune. Cette conscience non seulement se trouve affirmée, sous les formes les plus diverses, par les hommes de notre temps, mais c’est elle encore qui sert de fil conducteur à tout le travail de l’humanité, travail qui a pour objet,