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Encore la difficulté de distinguer les œuvres d’art véritable se trouve-t-elle, de nos jours, accrue par ce fait que la qualité extérieure du travail dans les fausses œuvres d’art non seulement n’est pas pire, mais est souvent meilleure que dans les véritables : car la contrefaçon produit souvent plus d’effet que le vrai art, et ses sujets sont plus intéressants. Comment donc reconnaître le vrai art du faux ? Comment distinguer d’un million d’œuvres faites à dessein pour imiter, une œuvre que sa forme extérieure n’en distingue pas ?

Pour un homme dont le goût ne serait point perverti, cela serait aussi aisé que, pour un animal dont le flair n’a pas été perverti, il est aisé de suivre la trace qu’il suit, parmi cent autres dans une forêt. L’animal retrouve infailliblement sa trace. Et de même ferait l’homme, si ses qualités naturelles n’avaient pas été perverties. Il retrouverait infailliblement, parmi des milliers d’objets, la seule œuvre d’un art véritable, c’est-à-dire celle qui lui communique des sentiments particuliers et nouveaux. Mais il n’en va point de même avec ceux dont le goût a été perverti par leur éducation et leur manière de vivre. Chez ceux-là, le