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sérieusement ; et cependant des milliers de personnes soi-disant cultivées y assistent, et voient et écoutent tout cela avec une attention pieuse, et sont ravies de plaisir.

On voit reparaître Siegfried, avec son cor, et Mime aussi. L’orchestre fait naturellement entendre les leit-motiv qui les concernent ; et ils se mettent à discuter la question de savoir si Siegfried sait ou non ce que c’est que la peur. Puis Mime s’en va, et une scène commence qui a l’intention d’être éminemment poétique. Siegfried, toujours en maillot, s’étend dans une pose destinée à nous paraître belle ; et tour à tour il se tait ou se parle à soi-même. Il rêve, écoute le chant des oiseaux, désire les imiter. À cette intention, il coupe un roseau avec son épée et s’en fait une flûte. L’aube devient plus claire, les oiseaux chantent : Siegfried tente d’imiter les oiseaux. Et la musique de l’orchestre imite le chant des oiseaux, sans omettre pourtant de faire entendre les leit-motiv des personnes et des objets dont il est parlé. Et Siegfried, ne pouvant parvenir à bien jouer de sa flûte, se décide plutôt à jouer de son cor.

Toute cette scène est insupportable. De musique, c’est-à-dire d’un art nous transmettant un