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avait élevé. Et en effet j’avais deviné qu’il représentait un gnome, car il ne manquait jamais, en marchant, de plier les genoux pour se rapetisser. Le gnome, donc, ouvrant toujours la bouche de la même façon bizarre, continua longtemps à chanter ou à crier. La musique, cependant, suivait un cours singulier : on avait l’impression de commencements qui ne continuaient ni ne finissaient. Le livret m’apprit que le gnome se racontait à lui-même l’histoire d’un anneau qu’un géant s’était approprié et que le gnome désirait se procurer avec l’aide de Siegfried : voilà pourquoi il lui forgeait une épée.

Après que ce monologue eut duré un très long temps, j’entendis à l’orchestre d’autres sons, tout différents des premiers, à cela près qu’ils me donnèrent l’impression, eux aussi, de commencements qui ne finissaient pas. Et en effet un autre acteur ne tarda pas à apparaître, portant un cor sur l’épaule, et accompagné d’un homme qui courait à quatre pattes, déguisé en ours. Cet homme se jetait sur le gnome, qui s’enfuyait, toujours en pliant les genoux. L’acteur qui portait le cor représentait le héros du drame, Siegfried. Les sons émis par l’orchestre, avant son entrée, étaient destinés à représenter son caractère. On les appelle