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gris, — qui suivaient la musique sur une partition. Évidemment, il s’agissait là d’une représentation des plus considérables.

Je suis arrivé un peu en retard ; mais on m’a assuré que le court prélude qui ouvrait la pièce n’avait guère d’importance, et que je n’avais pas beaucoup perdu à le manquer. Toujours est-il que, lorsque j’entrai, un acteur était assis sur la scène, dans un décor destiné à représenter une cave, et qui, comme c’est toujours le cas, faisait d’autant moins d’illusion qu’il était construit avec plus d’adresse. L’acteur portait un maillot de tricot, un manteau de peau, une perruque et une fausse barbe, et, avec des mains blanches et fines, qui révélaient le comédien, il forgeait une épée invraisemblable, à l’aide d’un marteau impossible, d’une façon dont jamais personne n’a manié un marteau ; et en même temps, ouvrant la bouche d’une façon non moins étrange, il chantait quelque chose d’incompréhensible. Tout l’orchestre, pendant ce temps, s’évertuait à accompagner les sons bizarres qui sortaient de sa bouche.

Le livret m’apprit que cet acteur avait à représenter un puissant gnome, qui vivait dans une cave et forgeait une épée pour Siegfried, l’enfant qu’il