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plupart, d’habiles écrivains, instruits et intelligents, mais chez qui la capacité d’être émus par l’art est tout à fait pervertie ou atrophiée. Et de là vient que leurs écrits ont toujours largement contribué et contribuent encore aujourd’hui à pervertir le goût du public qui les lit, et qui se fie à eux.

La critique n’existait pas, ne pouvait pas exister, dans des sociétés où l’art s’adressait à tous, et où par conséquent il exprimait une conception religieuse de la vie commune à un peuple entier. Elle ne s’est produite, elle ne pouvait se produire, que sur l’art des classes supérieures, qui n’avait point pour base la conscience religieuse de son temps.

L’art universel a un critérium interne défini et indubitable : la conscience religieuse. L’art des classes supérieures manque de ce critérium, et c’est pourquoi ceux qui veulent apprécier cet art sont forcés de s’accrocher à quelque critérium extérieur. Et ce critérium, ils le trouvent dans les jugements de « l’élite », c’est-à-dire dans l’autorité d’hommes que l’on considère comme plus instruits que les autres, et non seulement dans leur autorité, mais dans la tradition formée par