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quer la curiosité, de façon à absorber l’esprit et à l’empêcher de sentir le manque d’art véritable. Naguère encore, on provoquait volontiers la curiosité en compliquant les intrigues ; aujourd’hui ce procédé se démode, et est remplacé par celui de l’authenticité, c’est-à-dire par la peinture détaillée d’une période historique ou d’une branche de la vie contemporaine. Ainsi, pour absorber l’esprit du lecteur, les romanciers lui décrivent tout au long la vie des Égyptiens ou des Romains, la vie des ouvriers d’une mine, ou celle des commis d’un grand magasin. La curiosité peut aussi être provoquée par le choix même des expressions : et c’est un artifice de plus en plus en honneur. Vers et prose, pièces, tableaux, symphonies, tout cela est combiné de façon à ce qu’on doive deviner le sens, comme dans les charades : on est intrigué, on cherche à deviner, on se distrait, et on a l’illusion d’avoir éprouvé une émotion artistique.


Et vous entendez dire très souvent qu’une œuvre d’art est excellente parce qu’elle est ou poétique, ou belle, ou saisissante, ou intéressante ; tandis qu’en réalité aucun de ces quatre