d’une manière à lui propre, les sentiments qu’il nous transmet, et non pas quand il se borne à nous transmettre les sentiments d’autres hommes, tels que ceux-ci les lui ont transmis. Une telle méthode d’emprunts ne saurait nous émouvoir comme une œuvre d’art ; elle peut seulement simuler une œuvre d’art, et encore ne le peut-elle qu’auprès de gens dont le goût artistique se trouve perverti. La dame en question étant tout à fait sotte et dépourvue de talent, on découvrait tout de suite ce qui en était de son œuvre ; mais quand la même méthode est pratiquée par des artistes instruits et bien doués, et possédant à fond la technique de leur art, nous avons alors ces emprunts du grec, de l’antique, du christianisme, de la mythologie, qui sont à présent devenus si nombreux, et dont le nombre continue à croître, et que le public accepte ingénument comme des œuvres d’art. Un exemple bien typique de ces contrefaçons de l’art, en poésie, vous sera fourni par la Princesse Lointaine de Rostand, une pièce toute faite d’emprunts, où il n’y a certainement pas un seul atome d’art, ni de poésie, ce qui ne l’empêche pas de paraître très poétique à une foule de gens, et probablement aussi à l’auteur lui-même.
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