toutes les autres formes d’activité mentale, c’est, tout justement, que son langage est compris de tous, et que tout le monde, indistinctement, peut en être ému. Les larmes et le rire d’un Chinois m’émeuvent exactement comme les larmes et le rire d’un Russe ; et il en est de même de la peinture, de la musique, et de la poésie, pour peu que celle-ci soit traduite dans une langue que je comprends. Les chants d’un Khirghiz ou d’un Japonais ne me touchent pas autant qu’un Khirghiz ou un Japonais : mais ils me touchent cependant. Je suis touché, aussi, de la peinture japonaise, de l’architecture indienne, des contes arabes. Et si une chanson japonaise ou un roman chinois me touchent moins qu’un Japonais ou un Chinois, ce n’est pas que je ne comprenne pas ces œuvres d’art, mais seulement que je connais des œuvres d’un art plus haut. Ce n’est pas du tout parce que leur art est au-dessus de moi. Les grandes œuvres d’art ne sont grandes que parce qu’elles sont accessibles et compréhensibles à chacun. L’histoire de Joseph, traduite en langue chinoise, touche un Chinois. L’histoire de Çakya-Mouni nous touche. Si donc un art échoue à toucher les hommes, la cause n’en est pas dans ce que ces hommes man-
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