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qui, en conséquence, grimpe sur le toit d’une maison qu’il a construite, et se jette par terre la tête en avant. Une autre fois, c’est une énigmatique vieille femme, ayant pour profession d’exterminer les rats, et qui, sans qu’on devine pourquoi, emmène un petit garçon jusqu’à la mer, et là, le noie. Ou bien encore ce sont des aveugles qui, assis au bord de l’eau, répètent indéfiniment les mêmes paroles. Ou bien encore une cloche qui s’élance dans un lac et se met à sonner.

Et la même chose se produit dans le domaine de la musique, de cet art qu’on aurait cru devoir être, plus que tout autre, intelligible à chacun.

Un musicien de renom s’assied devant vous au piano et vous joue ce qu’il dit être une nouvelle composition, de lui-même ou d’un des musiciens d’à-présent. Vous l’entendez produire des sons étranges et bruyants, vous admirez les exercices de gymnastique accomplis par ses doigts ; et vous voyez bien, en outre, qu’il a l’intention de vous faire croire que les sons qu’il produit expriment divers sentiments poétiques de l’âme. Son intention, vous la voyez ; mais aucun sentiment ne se transmet à vous que celui d’une fatigue mortelle. L’exécution dure longtemps, ou tout au moins