La peinture, par exemple, va plus loin encore dans cette voie que la poésie. Voici quelques lignes extraites du carnet de notes d’un amateur de peinture qui se trouvait à Paris en 1894 :
Je suis allé aujourd’hui à trois expositions : celles des symbolistes, des impressionnistes, et des néo-impressionnistes. J’ai regardé tous les tableaux avec beaucoup de soin et de conscience, mais tous m’ont causé la même stupeur. La plus compréhensible des trois expositions m’a paru celle des impressionnistes. Mais j’ai vu là des œuvres d’un certain Camille Pissarro dont le dessin était si indéterminé qu’il m’était impossible de découvrir dans quel sens une tête ou une main étaient tournées. Les sujets étaient, en général, des « effets » : Effet de brouillard, Effet du soir, Soleil couchant. Dans la couleur, le bleu et le vert crûs dominaient. Et chaque tableau avait sa couleur spéciale, dont il était, pour ainsi dire, arrosé. Par exemple, dans la Gardeuse d’oies, la couleur spéciale était le vert-de-gris, et des taches de cette couleur étaient répandues partout, sur le visage, les cheveux, les mains, le vêtement. Il y avait dans la même galerie d’autres peintures, de Puvis de Chavannes, Manet, Monet, Renoir, Sisley, tous impressionnistes. Un d’eux, qui avait un nom dans le genre de Redon, avait peint, de profil, un visage tout bleu. J’ai vu aussi une aquarelle de Pissarro toute faite de petites taches de diverses couleurs. Impossible de distinguer la couleur générale, soit qu’on s’éloigne du tableau ou qu’on s’en rapproche.
Je suis allé ensuite voir les symbolistes. Je me suis d’abord efforcé d’examiner leurs œuvres sans demander à personne une explication, voulant comprendre par moi-même ce qu’elles signifiaient : mais ce sont des œuvres qui dépassent la compréhension. Une des premières choses qui aient