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pagne, les migrations de ce travailleur, ses rapports avec ses patrons, ses surveillants, et ses compagnons, avec les hommes d’autres religions et d’autres nationalités, ses luttes avec la nature et le monde animal, ses occupations dans la forêt, dans la steppe, dans les champs, dans les jardins, ses relations avec sa femme et ses enfants, ses plaisirs et ses peines, tout cela, pour nous qui ignorons ces diverses émotions et qui n’avons plus aucune conception religieuse, tout cela nous semble monotone en comparaison des petites joies et des mesquins soucis de notre vie, une vie non de travail et de production, mais de consommation, de destruction de ce que d’autres ont produit pour nous. Nous nous imaginons que les sentiments éprouvés par les personnes de notre temps et de notre classe sont très importants et très variés ; mais en réalité c’est le contraire qui est vrai, et l’on peut même dire que tous les sentiments de notre classe se réduisent à trois sentiments très simples et très médiocres : 1o le sentiment de la vanité, où se rattachent l’ambition et le mépris d’autrui ; 2o le sentiment du désir sexuel, se manifestant sous des formes diverses, depuis la galanterie divinisée par les poètes jusqu’à la sen-