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de sujets infiniment variée et profonde que pouvaient être, pour lui, les conceptions religieuses de la vie. Et son second résultat a été que, ne s’adressant qu’à un petit cercle, l’art a perdu la beauté de sa forme, est devenu affecté et obscur. Et son troisième et principal résultat a été que l’art a cessé d’être spontané, ou même sincère, pour devenir absolument apprêté et artificiel.

Le premier de ces trois résultats, l’appauvrissement des sources d’inspiration, s’est produit fatalement aussitôt que l’art s’est détaché des notions religieuses. Le mérite des sujets, dans toute œuvre d’art, dépend de leur nouveauté. Une œuvre d’art n’a de prix que si elle transmet à l’humanité des sentiments nouveaux. De même que, dans l’ordre de la pensée, une pensée n’a de valeur que quand elle est nouvelle et ne se borne pas à répéter ce que l’on sait déjà, de même une œuvre d’art n’a de valeur que quand elle verse dans le courant de la vie humaine un sentiment nouveau, grand ou petit. Or l’art s’est privé de la source d’où pouvaient découler ces sentiments nouveaux, le jour où il a commencé à estimer les sentiments non plus d’après la conception religieuse qu’ils expriment, mais