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loin d’être le seul art, notre art ne s’adresse qu’à une portion infime de nos races civilisées. On peut parler d’un art national Juif, Grec, Égyptien, encore Chinois ou Indien. Un tel art, commun à une nation entière, a aussi existé en Russie jusqu’à Pierre le Grand, et dans le reste de l’Europe jusqu’au xiiie ou xive siècle. Mais depuis que les classes supérieures de la Société, ayant perdu la foi dans la doctrine de l’Église, sont restées sans aucune foi, il n’y a plus eu rien qui pût être appelé un art européen ou national. Depuis que les classes supérieures des nations chrétiennes ont perdu leur foi dans les doctrines de l’Église, l’art de ces classes s’est séparé de celui du reste du peuple, et il y a eu deux arts : celui du peuple et celui des délicats. Et il en résulte qu’à la question de savoir comment l’humanité a pu, durant les temps modernes, vivre sans art véritable, à cette question la réponse est que ce n’est pas du tout l’humanité entière, ni une partie considérable de cette humanité qui a vécu sans art véritable, mais que ce sont seulement les classes supérieures de notre société européenne et chrétienne.

Et la conséquence de cette absence d’art véritable s’est d’ailleurs assez montrée, dans la cor-