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J’ai l’espoir que l’on ne prendra pas ceci pour une plaisanterie ou une exagération. En effet les extravagances, en particulier l’inconscience et la folie, naissent communément dans un milieu où l’intempérance est une habitude invétérée.

Est-il concevable que des gens qui ne sont pas ivres, s’occupent de mettre à exécution tant de choses extraordinaires qui s’accom-

    débilitante des poisons stimulants le cerveau, ont fait néanmoins des choses merveilleuses et sublimes, nous ne pouvons tirer que cette seule conclusion, qu’ils auraient accompli des choses encore plus grandes s’ils n’avaient pas obscurci ni entravé leurs facultés. Il est fort probable que les livres de Kant n’auraient pas été écrits dans un si mauvais style, si leur auteur n’avait pas été un fumeur invétéré. Enfin, il ne faut pas oublier que plus un homme se trouve à un degré inférieur de l’échelle morale et intellectuelle, moins il sent vivement la discordance choquante existant entre son moi et la vie elle même ; et par suite, moins il éprouve le besoin des toxiques. C’est pour une raison analogue que les natures les plus sensibles, celles qui ressentent de la manière la plus pénible, la plus maladive la discordance existant entre la vie et la conscience, sont celles qui s’adonnent le plus aux narcotiques qui ruinent leur santé.