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trouve tout à coup las d’avoir déjà vécu tant d’années, et, dans la demi-mort qu’il provoque et où il se complaît tous les jours, il commence à se dire que l’état d’annihilation totale, d’indifférence définitive a peut-être du bon. Il y aspire malgré lui et il augmente peu à peu les doses des stupéfiants dont il a pris l’habitude. Il goûte une volupté qu’il ne saurait définir, mais réelle et constante, à cette espérance nouvelle de n’être plus. Il n’a que bien rarement le courage d’en finir violemment, tant il est acoquiné à son mécanisme organique, mais il jouit de tuer à petit feu ces deux adversaires qu’il traînait partout avec lui, dont il a eu tant à souffrir : sa raison et sa conscience, et il parvient enfin à réaliser son rêve qui est de mourir comme il est né, sans savoir ce qu’il fait.

Jusqu’à présent l’homme seul avait empoisonné son intelligence avec le vin et l’eau-de-vie, son haleine et sa conscience, avec le