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convaincus que ce qu’ils donnent aux hommes rachète complètement ce qu’ils leur prennent.

Et cependant, si on écoute l’opinion de ces gens sur leurs vertus réciproques, on voit que chacun d’eux est loin de valoir ce qu’il consomme. Les fonctionnaires disent que les peines des propriétaires ne sont nullement en rapport avec ce qu’ils dépensent ; les propriétaires disent la même chose du négociant ; le négociant du fonctionnaire, etc. ; mais cela ne les déconcerte pas, et ils continuent à persuader aux autres que chacun d’eux profite du travail d’autrui juste autant qu’ils donnent eux-mêmes. Il s’ensuit que ce n’est pas d’après le travail qu’on détermine les salaires, mais d’après les salaires qu’on mesure le soi-disant travail. Voilà ce qu’ils prétendent, mais au fond ils savent très bien que ces justifications ne sont nullement probantes, qu’ils ne sont nullement utiles aux ouvriers et qu’ils se servent du travail de ces derniers, non pas