Page:Tolstoï - Plaisirs cruels.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le deviendra encore davantage, mais le bras court deviendra encore plus court. De même si l’homme, ayant une certaine faculté d’aimer, a augmenté l’amour de lui-même et des soins égoïstes, il a par suite diminué la possibilité de l’amour et des soins à donner aux autres, non seulement de la quantité d’amour qu’il a accumulée sur lui, mais dans des proportions bien plus grandes. Au lieu de donner à manger aux autres, l’homme a mangé lui-même ce surplus, et par cela, non seulement il a diminué la possibilité de donner ce surplus, mais encore, s’étant gavé, il s’est mis dans l’impossibilité de penser aux autres.

Pour être capable d’aimer les autres, il faut ne pas s’aimer exclusivement. D’ordinaire, cela se passe ainsi : Nous pensons et nous nous persuadons que nous aimons les autres ; mais ce n’est qu’en paroles, non en fait. Nous oublierons de donner à manger aux autres, de les coucher : pour nous,