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quante ans. J’ai connu encore ces hommes, j’ai connu Ogarev et Herzen eux-mêmes et les hommes de cette catégorie, éduqués suivant les mêmes traditions. Chez tous, il y avait une absence frappante d’esprit de suite ; il y avait chez eux un ardent désir du bien, et, à côté de cela, ils affichaient la licence la plus complète dans la débauche. Ils avaient cependant la conviction que cela ne pouvait empêcher une existence morale et qu’ils pouvaient accomplir malgré tout de bonnes et même de grandes actions.

Ils mettaient dans un four non chauffé de la pâte non pétrie et croyaient que le pain serait cuit. Et lorsque sur leurs vieux jours ils s’aperçurent que le pain ne cuisait pas, c’est-à-dire que leur existence n’avait eu aucun résultat utile, ils y virent un coup terrible du destin.

Cette destinée est en effet terrible. Cette situation tragique, comme elle était du temps