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point de vue sentimental, c’est-à-dire la douleur de l’animal égorgé.

Eh bien, il semble que cette douleur est presque réduite à un minimum. Après tout, ce taureau devait mourir un jour ! Il n’était pas éternel, et, si on lui avait laissé la vie, il aurait fini par succomber à la vieillesse ou à la maladie. Mais après quelle longue et douloureuse agonie ! La Nature, quand elle fait mourir un de ses enfants, ne lui épargne aucune souffrance. Elle est sans pitié, prolongeant les affres de la fin pendant des heures, parfois pendant des jours entiers, et faisant précéder cette fin inévitable par une longue et dure maladie. À tout prendre, cette mort rapide, violente, qui fait en quelques secondes disparaître la conscience ; est un bienfait ; et moi, qui aurai sans doute, comme la plupart des hommes, à attendre une mort lente et pénible, j’envierai, hélas ! sur mon lit de douleur cette fin rapide