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manque de tact, une absence d’élévation intellectuelle, que je ne puis approuver, et que personne assurément n’approuvera. Il est ridicule de parler des dîners qu’on va faire et des plats qu’on a devant soi. Tout au plus peut-on préférer in petto un bon plat à un mauvais plat, car l’un et l’autre coûtent le même prix ; et il n’y a aucun profit pour les misérables que je mange une soupe trop salée, ou un rosbif pas assez cuit. Cependant c’est un manque de bonne éducation que d’insister sur les détails culinaires et d’en prendre quelque inquiétude. Harpagon avait bien raison de dire qu’il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. C’est là une proposition si simple que toute discussion est superflue.

Pourtant, il ne faudrait pas être trop exclusif et trop sévère dans son jugement. Si nous n’envisagions que la morale naturelle, nous verrions que tout animal, quel qu’il soit, a un