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22 MES MÉMOIRES

— Ahl ah !... Je vous tiens ! s’écria-t-il en s’approchant à petits pas de Volodia, qu’il saisit par la tête.

Il examina le sommet de la tête de mon frère avec soin. Puis, de son air le plus sérieux, il s’éloigna, alla à la table, souffla sur la toile cirée et fît des signes de croix répétés.

— Oh ! oh !... pitié !... oh ! oh ! douleur !... Pauvre !... ils s’envoleront, dit-il d’une voix entrecoupée de sanglots. Il regardait tendrement Yolodia et essuyait de sa manche les larmes qui coulaient sur sa joue.

Sa voix était rauque et grossière ; ses mouvements étaient saccadés et inégaux ; ses paroles n’avaient aucun sens, mais l’accent qu’il y mettait était si touchant , mais son visage jaune monstrueusement laid exprimait parfois une tristesse si sincère, qu’en l’entendant on ne pouvait s’empêcher de ressentir une sensation de peur, de compassion et de tristesse.

C’était l'Innocent, le pèlerin Gricha.

D’où venait-il ? Qui étaient ses parents ? Quelles circons- tances l’avaient jeté dans cette vie errante ? On ne le savait.

Dès l’âge de quinze ans , il était connu comme un pauvre dément, marchant pieds nus, hiver comme été, fréquentant les couvents, distribuant de petits icônes à ceux qui lui plaisaient et prononçant des paroles mystérieuses que d’aucuns acceptaient comme des prophéties. Personne ne l’avait connu exerçant un autre état. 11 venait parfois chez la babouchka(Grand'mère), et certains disaient qu’il était le malheureux fils de parents pauvres et que son âme était très pure. D’autres prétendaient qu’il était uu simple moujik et un paresseux.

Enfin le ponctuel Foka, désiré si impatiemment , fît son apparition, et nous quitâmes la salle d’étude. Gricha, toujours sanglotant et sans cesser d’articuler des propos incohérents, nous suivit en frappant de son bâton les degrés de l’escalier.

     Papa et maman traversèrent le salon, bras-dessus, bras- 

dessous, ils causaient doucement entre eux. Maria Ivanovna se tenait roide dans un fauteuil ; d’une voix sévère que le