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d’autres les ont approuvés et se sont chargés de les expliquer.

Jésus ne pouvait pas dire et n’a pas dit cette terrible parole, et le premier sens de ce passage, le sens simple et direct, qui me frappa et frappe chacun, est le vrai.

Il y a plus encore : il avait suffi que je comprisse que Jésus défend la colère, quelle qu’elle soit et contre qui que ce soit, pour que l’interdiction de dire à qui que ce soit les mots « Raca » et « insensé » prît un tout autre sens que celui de prohiber les paroles injurieuses. L’étrange mot hébreu « Raca » qui n’est pas traduit me révéla ce sens. « Raca » veut dire : foulé aux pieds et anéanti : « qui n’existe pas. » Le mot « Raca », très usité chez les Hébreux, exprime l’exclusion. « Raca » veut dire un homme qui ne compte plus pour un homme. Au pluriel, le mot « Rekim » est employé dans le livre des Juges, ix, 4, dans le sens d’hommes de rien. Eh bien ! c’est ce mot-là que Jésus défend de dire de qui que ce soit, comme il défend également de dire cet autre mot, « insensé » qui nous dispense, tout comme le mot « Raca », de toute obligation humaine envers notre semblable. Nous nous mettons en colère, nous faisons du mal aux hommes, et, pour nous disculper, nous disons que celui qui nous a mis en colère est le rebut des hommes ou un insensé. Eh bien, ce sont précisément ces deux mots que Jésus défend de dire des hommes et aux hommes. Jésus exhorte à ne se mettre en colère contre personne et à ne point excuser sa colère sous prétexte que l’on a affaire au rebut des hommes ou à un insensé.

Au lieu de formules insignifiantes, vagues, incertaines et sujettes à des interprétations arbitraires, je découvrais donc, dans les versets 21-28, le premier com-