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cause, » de façon qu’ils ne détruisent pas le sens de tout le passage.

Je consulte le dictionnaire. Dans la langue ordinaire, le mot grec εἰκῆ veut dire « sans but, » inconsidérément. J’essaye alors de choisir un terme qui ne détruise pas le sens ; mais l’adjonction de ces deux mots « sans but » a évidemment le sens qui lui est attribué. Dans le grec évangélique, le sens du mot εἰκῆ est exactement le même. Je consulte les concordances. Ces mots ne se rencontrent dans l’Évangile qu’une fois, nommément dans ce passage. Dans la première Épître aux Corinthiens, xv, 2, ils sont employés juste dans le même sens. Il est donc impossible de les interpréter autrement et il faut admettre que Jésus a prononcé des paroles bien vagues, pouvant être interprétées de façon qu’il n’en reste rien ; pour moi, je l’avoue, admettre cela, c’était renoncer à tout l’Évangile. Reste un dernier espoir : ces mots se trouvent-ils dans tous les manuscrits ? Je cherche dans Griesbach, chez lequel toutes les variantes sont notées, et d’abord j’éprouve la joie de voir qu’à cet endroit il y a, en effet, des variantes et que toutes se rapportent aux mots « sans cause. » Dans la majorité des textes évangéliques et des citations des Pères, ces mots n’existent pas. Ainsi, la majorité comprenait comme je comprends. Je cherche dans Tischendorf le texte le plus ancien : ces mots ne s’y trouvent pas du tout.

Ainsi ces mots qui détruisaient tout le sens de la doctrine de Jésus sont une addition qui n’était pas encore introduite au ve siècle dans les meilleures copies de l’Évangile.

Il s’est trouvé un homme qui a ajouté ces mots ;